Le Département du Nord a récemment mobilisé un dispositif d’emploi accompagné ( ) pour un agent au parcours professionnel complexe au sein de la collectivité. Un dispositif dont les premiers retours ont lieu en ce début d’année ! Juliette Gruson, référente handicap de la collectivité, nous raconte la mobilisation, les apports et les limites du dispositif.
Dans quel cadre avez-vous mobilisé un dispositif d’emploi accompagné ?
La situation concerne un agent en poste au Département depuis près de quinze ans et ayant eu un diagnostic tardif d’un trouble du spectre autistique (TSA). Ce dernier a connu un parcours d’intégration difficile dans les services tout au long de son parcours professionnel. Un bilan professionnel spécialisé, organisé par l’employeur, a révélé le TSA ce qui lui a donné une lecture différente de ses difficultés. Il a alors été accompagné par le centre de ressources Autisme du Nord. A cette occasion, des difficultés relationnelles ont été révélées : un besoin pour lui de comprendre les codes des personnes qui l’entourent et pour la collectivité et le collectif de travail de comprendre ses codes à lui. Dans le même temps, cet agent a demandé une mobilité professionnelle. Il avait la volonté de rester au sein de la Fonction publique et de monter en grade, mais il existait un décalage entre ses attentes et les compétences attendues. Une prestation d’appui spécifique ( ) a été mise en place pour l’accompagner. Elle a conduit à la préconisation d’un afin de donner la possibilité à cet agent d’intégrer un poste pérenne et de rassurer le service tout en faisant le lien sur le volet Montée en compétences et Formation si nécessaire.
Le DEA a ainsi été mobilisé fin 2022 lorsque l’agent a obtenu un nouveau poste dans une thématique différente de ses fonctions initiales.
Comment cela s’est-il déroulé ?
Avant qu’il intègre son nouveau poste en décembre 2022, une sensibilisation du collectif de travail de proximité a été mise en place en présence du job-coach du DEA (porté par LADAPT), du médecin du travail, de l’interlocutrice privilégiée de l’agent au sein du centre de ressources Autisme et de moi-même afin de lever les craintes, permettre la libre circulation de la parole et à chacun de poser ses questions.
L’intégration dans le nouveau poste se passe bien grâce notamment à la réunion de cadrage qui a eu lieu lors de l’arrivée de l’agent et à la sensibilisation à l’autisme qui a été mise en place auprès du collectif de travail.
La mise en action du DEA a été un peu longue avec, au départ, un manque de régularité dans les rendez-vous entre le job-coach et l’agent et de trop rares liaisons entre le job-coach et manager. L’agent indiquait que tout se passait bien et qu’il n’avait pas besoin du job-coach. Ce qui ne reflétait pas forcément la réalité.
Le manager, de son côté, avait tendance à compenser cette situation : il a créé lui-même un outil de répartition du temps et des tâches. Il n’était pas frileux au départ pour l’accueil de cet agent, mais il s’est rendu compte que la mise en œuvre, même de missions simples, pouvait être complexe du fait de la particularité de handicap de l’agent.
De plus, le job-coach a eu du mal à rencontrer le manager, pas toujours disponible pour le voir. Il fallait donc anticiper un calendrier et caler des dates bien en amont.
Depuis, les choses se calent. Des rendez-vous plus réguliers entre le manager, le job-coach, la référente handicap et le médecin du travail sont organisés pour gérer cette situation qui reste chronophage. Un rythme s’instaure également dans les relations entre l’agent et le job-coach.
Quels ont été les bénéfices pour l’agent ? pour la collectivité ?
Le DEA permet de bénéficier d’un accompagnement de proximité et régulier pour l’agent, mais aussi pour le collectif de travail. Chacun sait qu’il y a désormais quelqu’un qui va faire l’intermédiaire avec l’agent que ce soit pour son intégration sur le poste, son intégration dans l’équipe ou pour être un interlocuteur privilégié pour le manager. Le job-coach présente une expertise d’accompagnement pour l’agent que ce soit sur le comportement à réajuster ou même sur des solutions opérationnelles à mettre en œuvre : méthodes d’organisation, modèles de documents… Cet accompagnant de proximité favorise réellement l’intégration et la médiation avec le collectif de travail.
Ce qui est également intéressant pour les employeurs publics avec le DEA, c’est la possibilité d’accompagnement de l’agent dans la durée, voir durant toute la carrière, si besoin. Cette pérennité est rassurante.
Et si c’était à refaire ? Quels conseils donneriez-vous à un employeur public souhaitant mobiliser un DEA ?
D’un point de vue administratif, il faut avoir à l’esprit que la notification , nécessaire dans cette situation, peut être un processus qui prend du temps, avec un dossier très complet à constituer et une certaine complexité[1]. Je me suis appuyée sur la directrice territoriale au handicap du dans les Hauts-de-France, Isabelle Chavot, d’être accompagnée dans cette démarche complexe.
Autre point important, la mise en place d’un DEA demande du temps du côté de l’agent comme de celui du job-coach. Il faut au moins six mois pour que les choses se calent.
Enfin, il est important d’avoir à l’esprit les limites du DEA. C’est un dispositif dont les intervenants ne sont pas experts dans des pathologies spécifiques. Il faut donc leur laisser le temps d’assimiler :
- les spécificités du handicap de l’agent,
- la culture de la collectivité, de la direction et des postes concernés,
- ce que le manager attend vraiment dans la mission pour donner une méthode de travail efficiente à l’agent en fonction de ses missions.
Finalement, diriez-vous que cela vaut de mobiliser un DEA ?
Oui, cela vaut le coup. Il faut toutefois simplifier la procédure MDPH, préciser plus clairement les attendus en termes d’écrits, d’argumentation et de critères de sélection pour la décision de la commission. Cela reste en effet flou, voir arbitraire et peu harmonisé entre les MDPH. Dernier élément : il faut faciliter les délais de traitement et de mise en œuvre.
[1] A noter : Au-delà de la MDPH, le Service Public de l’Emploi, dont Cap emploi fait partie, peut, depuis 2 ans, prescrire un dispositif d’emploi accompagné.