Le Handi-Pacte du en Île-de-France donne la parole aux acteurs de l'insertion professionnelle et du handicap dans la Fonction publique. Retrouvez ci-dessous le témoignage de Thierry Lartigue, Adjoint du bureau égalité, diversité et handicap de la Direction des ressources humaines et Référent handicap national des Ministères sociaux, Membre du Comité national et Rapporteur de la Commission Accessibilité numérique du .
Peux-tu nous parler de ton parcours et de ce qui t’a conduit à t’investir sur les questions d’égalité, de diversité et de handicap au sein des ministères sociaux ?
Ce qui m’a toujours intéressé, tant sur le plan professionnel qu’humain, c’est l’accompagnement. Ma formation en psychologie et n’était pas directement orientée vers l’égalité, la diversité ou le handicap, mais mon parcours s’est progressivement spécialisé, en lien avec mon histoire personnelle et mon intérêt pour les sciences humaines.
J’ai aussi occupé plusieurs postes, comme responsable de formation ou conseiller mobilité carrière, avant de m’investir sur le handicap en tant que chef de l’unité action sociale à la Île-de-France (aujourd’hui DRIEETS Île-de-France). Ce poste regroupait des thématiques comme la prévention, la diversité et la santé au travail, mais elles étaient alors abordées de façon trop administrative et isolée. J’ai voulu structurer ces sujets en travaillant avec des assistantes de service social, des médecins du travail, et en adoptant une approche transversale et interdisciplinaire.
Les débuts ont été modestes : les formations initiales sur le handicap manquaient de profondeur mais grâce aux réunions Handi-Pacte et au diplôme universitaire de l’ , j’ai acquis des connaissances plus solides et professionnalisé ma pratique, notamment en formant à mon tour les nouvelles promotions. J’ai d’ailleurs réalisé un premier mémoire sur « Le maintien en emploi des agents en situation de handicap psychique », puis un deuxième lors d’une formation en santé mentale et impact dans l’environnement social et professionnel au sein de l’œuvre Falret intitulé « Handicap psychique et éthique du care : quel savoir-être du référent handicap ? ». Ces apprentissages m’ont permis d’intégrer une démarche inclusive, réflexive et conceptuelle à ma pratique en tant que référent handicap.
Après dix ans à la DRIEETS, où j’ai pu créer un Bureau prévention et qualité de vie au travail, j’ai pris le rôle de référent handicap national des ministères sociaux. Aujourd’hui, en tant qu’adjoint au bureau Égalité, Diversité et Handicap, je coordonne les obligations légales et les plans d’action tout en adoptant une approche tournée vers la prévention et l’inclusion.
Comment perçois-tu l’évolution de la prise en compte du handicap dans la Fonction publique ces dernières années ?
La prise en compte du handicap a connu une nette progression. Le taux d’emploi des personnes handicapées augmente et de nombreux ministères renouvellent et signent des conventions avec le .
Le métier de référent handicap a également évolué, grâce à sa reconnaissance officielle par le législateur. Cela représente un progrès, bien qu’il s’agisse davantage d’un rattrapage que d’une révolution. L’enjeu désormais est d’intégrer le handicap dans une approche plus globale de responsabilité sociétale des employeurs publics (RSE).
De mon côté, je milite pour que le référent handicap ne soit plus perçu comme un acteur purement RH, mais comme un préventeur, capable d’adopter une approche globale de maintien en emploi. Il faut dépasser la logique de 2005 et envisager le handicap dans une perspective de prévention. Nous serons tous, à un moment ou un autre, directement ou indirectement concernés par le handicap, notamment en milieu professionnel face aux nouvelles organisations du travail (télétravail, open-space, flex office,…).
Quelles idées ou pratiques t’ont particulièrement marqué ?
Lors du dernier séminaire du réseau des référents handicap des ministères sociaux, j’ai animé un groupe de travail pour faire un bilan après deux années d’animation : « Le référent handicap dans tous ses états ». Ces échanges ont permis de recueillir le ressenti des référents handicap et de mieux comprendre leur engagement. Ces personnes ne prennent pas ce rôle par hasard : elles s’y investissent avec une réelle réflexion, un souci d’efficacité, et une approche centrée sur l’accompagnement et la prévention. Deux éléments m’ont particulièrement marqué :
- Leur engagement dans leur rôle, centré sur des enjeux concrets comme le maintien en emploi et l’accompagnement des agents dans leur parcours professionnel.
- Leur demande de supervision. Travaillant au contact direct des vulnérabilités humaines, les référents handicap font face à une charge émotionnelle importante. Cette demande reflète une maturité dans leur vision du métier et montre aussi qu’ils souhaitent pouvoir se libérer ponctuellement de ce poids. J’avoue en retirer une fierté car ils abondent dans mon sens. D’où l’approche du care inculquée lorsque je les ai formés.
En parallèle, des initiatives inspirantes ont vu le jour, comme le parrainage de deux athlètes paralympiques, ou encore une collaboration avec une sociologue clinicienne pour explorer les liens entre management, organisation et performance dans le cadre des para-athlètes. Ces projets offrent des perspectives nouvelles et renforcent le lien entre handicap et monde professionnel.
Quels impacts concrets espères-tu observer grâce à l’approche articulant handicap et parcours professionnels ?
L’intégration du bureau Égalité, Diversité et Handicap dans la sous-direction "Attractivité et Parcours" reflète une idée clé : les parcours professionnels et personnels sont indissociables. Le travail, comme le handicap, est ancré dans la société. Ce rapprochement permet d’articuler les thématiques de l’égalité et du handicap avec d’autres axes comme le recrutement, la formation et les parcours individuels.
Cette approche, inspirée de la RSE, s’adresse aux cinq millions de fonctionnaires de la Fonction publique. Ce qui est mis en œuvre au sein des ministères se répercute sur la société, et inversement. Bien que des progrès aient été réalisés, comme les formations obligatoires sur l’environnement pour les cadres supérieurs, il reste des lacunes à combler dans l’environnement de travail.
Quels défis majeurs identifies-tu pour les années à venir dans la mise en œuvre des politiques inclusives dans la Fonction publique ?
Le principal défi reste celui des représentations. Les stéréotypes et préjugés sont profondément ancrés et freinent les avancées. Si nous avions grandi dans des environnements où la diversité et le handicap faisaient partie du quotidien, comme l’école, ces différences seraient perçues comme normales et n’engendreraient plus de peurs… de la différence !
Pour y répondre, il est essentiel de poursuivre les efforts de sensibilisation, de formation et de multiplication des échanges. À force de répétition, les mentalités évoluent, et certaines situations, autrefois perçues comme des handicaps, deviennent « normales », dans la norme ou « inconscientisées ». Ce travail sur les représentations est un chantier permanent pour avancer vers une inclusion approchant l’idéal.
Un souhait pour 2025 ?
Que la prise de conscience autour de la santé mentale et des vulnérabilités, renforcée par la crise sanitaire, se traduise par des actions concrètes. Nous sommes tous concernés par les troubles psychiques, directement ou indirectement, à un moment ou un autre.
Je souhaite que cette reconnaissance dépasse les discours pour s’incarner dans des mesures pragmatiques, contribuant à mieux relier vie professionnelle et vie sociale. Ces deux dimensions sont profondément interconnectées et doivent s’enrichir mutuellement. Aux employeurs publics de s’en saisir !