Le Handi-Pacte du Île-de-France donne la parole aux acteurs de l'insertion professionnelle et du handicap dans la Fonction publique. Retrouvez ci-dessous le témoignage de Elisabeth Balmy - Directrice des Ressources Humaines du Centre hospitalier du Sud Seine-et-Marne (CH Sud 77).
Pouvez-vous nous parler de votre parcours et de ce qui vous a conduit à vous investir sur le handicap au travail ?
Je suis assez sensibilisée à la question du handicap du fait de ma formation initiale. Je suis diplômée d’un Master Ingénierie de l’Action Publique, parcours politiques publiques de santé de Sciences Po Grenoble et pendant mes études, j’ai eu l’occasion de travailler dans une entreprise de l’économie sociale et solidaire qui visait à l’amélioration de l’accompagnement des personnes en situation de handicap dans les transports en commun et lors de longs trajets. J’ai eu la possibilité de réaliser des accompagnements auprès de jeunes adultes en situation de handicap et cela a été une expérience très enrichissante.
Puis, dans le cadre de ma formation de directrice d’établissement sanitaire, social et médico-social, j’ai pu exercer au sein d’un établissement médico-social pour enfants et adolescents en situation de handicap. Avant ma prise de fonction à l’hôpital, j’étais donc déjà sensibilisée au sujet.
En tant que directrice des ressources humaines du CH Sud 77, j’ai repris le flambeau de ma collègue anciennement qui a lancé la politique emploi handicap au sein de l’établissement, j’ai poursuivi la dynamisation de notre politique emploi handicap, active notamment grâce au conventionnement avec le .
Comment percevez-vous l’évolution de la prise en compte du handicap dans la Fonction publique ces dernières années ?
Je la perçois à deux de manière. Premièrement, assez positivement, puisque les politiques nationales ont évolué de sorte à communiquer davantage sur l’emploi des personnes en situation de handicap et à sensibiliser les employeurs publics. De nouveaux leviers incitatifs ont vu le jour (incitations financières, accès aux concours, aménagement pour le passage des épreuves, valorisation de certaines actions et prestations dans le calcul du taux de , etc.). J’ai le sentiment que cela permet, pas à pas, de prendre en compte cette thématique et surtout à agir.
Deuxièmement, je la perçois aussi comme « challengeante » car elle est révélatrice des enjeux que nous avons en termes de vision de l’accompagnement de nos professionnels dans la fonction publique, et plus particulièrement dans la fonction publique hospitalière.
A l’hôpital, si les professionnels ont comme mission première de prendre soin des autres, la situation actuelle témoigne aussi de la nécessité de prendre soin des hospitaliers, ce qui n’est pas forcément naturel dans l’état d’esprit de chacun.
On constate une évolution sur ce point à mon sens, car il y a une corrélation directe entre la notion de handicap, la prévention de l’usure professionnelle et les besoins d’accompagnement des agents, notamment de catégorie C, dans leur processus de reconversion professionnelle par exemple.
Quelles idées ou pratiques vous ont particulièrement marqué ?
Au sein de la Fonction publique, je dirai qu’il s’agit des possibilités de partenariats entre établissements, dont avec les ERP, qui constituent une force supplémentaire pour l’accomplissement des objectifs en matière de recrutement et de maintien dans l’emploi des travailleurs en situation de handicap. Les outils et incitations mis à disposition, grâce notamment au conventionnement avec le FIPHFP, encouragent les employeurs de la Fonction publique.
Au sein de l'établissement, nous avons créé un dispositif dit « dispositif Tremplin » pour les professionnels en période de préparation au reclassement. Ce sont les expériences de reclassement réussi et de maintien dans l’emploi qui sont les plus marquantes à mon sens. Nous avons pu accompagner de nombreux des agents, une trentaine, qui sont majoritairement ravis aujourd'hui de pouvoir exercer de nouvelles fonctions et c’est une fierté d’avoir pu les maintenir dans l’emploi, malgré des débuts parfois complexes du fait de la difficulté de se projeter dans d’autres fonctions et de faire accepter aux équipes ces situations. Cela requiert un accompagnement du quotidien.
La référente handicap joue un rôle majeur dans cet accompagnement, et il y a également d'autres acteurs en interne ou en externe, grâce aux partenariats avec un ou Cap emploi, qui y contribuent.
Le CH Sud 77 est en fin de convention avec le FIPHFP. Quels impacts avez-vous pu déjà observer depuis que l’établissement investit du temps sur cette politique RH ?
En effet, notre convention actuelle prend fin en décembre 2024. Nous avons déposé un projet de re-conventionnement qui a obtenu un avis favorable du comité local dernièrement.
Les impacts sont nombreux. Nous constatons des impacts positifs en matière de sensibilisation, de communication et d’information sur le handicap, notamment pour les managers qui recrutent ou collaborent avec des personnes en situation de handicap. On identifie une nette évolution sur ce point, alors même qu’il y a encore quelques années, le handicap à l’hôpital constituait presque un tabou.
Je dirais aussi que cela a un impact sur l’amélioration de l’accompagnement individuel des agents de l’hôpital en situation de handicap : à la fois pour les agents que l’on recrute, avec l’identification des aides et de l’adaptation du poste de travail à mettre en place si nécessaire, mais aussi pour les agents en processus de reclassement. Nous sommes davantage dans une personnalisation de l'accompagnement, ce qui n’empêche pas d’avoir des procédures formalisées sur le sujet. On travaille sur le deuil des fonctions, sur la réalisation d’un dossier de demande de , sur l'accompagnement psychologique des professionnels…
La convention avec le FIPHFP nous a aidé à structurer notre politique emploi handicap, et cela très positif.
Quels défis majeurs identifiez-vous pour les années à venir dans la mise en œuvre des politiques inclusives dans la Fonction publique ? Quelles seraient selon vous les priorités pour y répondre ?
Je pense que le renforcement de la visibilité et de la compatibilité du handicap avec l’employabilité, par des adaptations si nécessaires, est un défi pour la fonction publique. Il y a eu de nette amélioration, mais nous devons poursuivre ce travail et « normaliser » l’inclusion qui reste à mon sens encore insuffisamment répandu.
En termes de priorités, il est important de communiquer davantage sur les expériences positives, les possibilités d’accompagnement et d’aides. Les employeurs doivent se sentir épauler pour mener une politique handicap dynamique et inclusive.
Au sein du CH Sud 77, le défi numéro un, c'est le maintien de notre taux d’emploi au-delà de 6%, nous sommes actuellement à 6,28 %. Les priorités portent sur :
- Le rôle à jouer dans l'accueil de stagiaires et d'apprentis en situation de handicap.
- Le renforcement des actions de sensibilisation, notamment auprès de tous les agents de l'établissement, pour mieux comprendre la notion de handicap, savoir de quoi on parle et démystifier cette notion.
- Le dernier aspect, c'est l'accessibilité au numérique des personnes en situation de handicap. D’une part, en adaptant nos outils numériques internes à l’établissement, comme notre intranet, et d’autre part, en facilitant l’accès à l’outil numérique par la mise à disposition d’ordinateurs, en créant des temps dédiés où on peut former et aider à l’utilisation de l’outil et d’internet pour leur accompagnement en fonction de leurs besoins et de leur projet professionnel. (pour faire une lettre de motivation, faire des recherches de stage ou d'emploi pour les agents en ).
Un souhait pour 2025 ?
Le souhait pour 2025 était le re-conventionnement avec le FIPHFP et c'est réalisé. Donc c'est une bonne nouvelle !
Nous souhaitons également mettre en place un évènement spécifique en 2025, de sensibilisation et de promotion du handicap au sein de l’établissement, avec l’aide de partenaire, qui se tiendrait à l'automne 2025. Il s’agirait d’un évènement d’une semaine avec ateliers, des temps d’échanges, des présentations des partenaires, des permanences handicap. Cet évènement se tiendrait, juste avant le lancement de notre campagne de recensement des bénéficiaires de l'obligation d'emploi, et le souhait est que tout l'établissement se mobilise. Il serait également possible de donner la parole à des agents travailleurs en situation de handicap ou ayant été accompagné dans le cadre du reclassement, afin de valoriser les parcours de chacun, et les réussites.