Le Handi-Pacte du en Île-de-France a souhaité donner la parole aux acteurs de l'insertion professionnelle et du handicap dans la Fonction publique : employeurs, agents, institutionnels, partenaires... Retrouvez ci-dessous le témoignage d'Anne-Cécile Richard - Déléguée régionale de Ile-de-France, réseau des Cap emploi.
Peux-tu nous parler de ton parcours et de ce qui t’a conduit à Cap emploi ?
Après une école de commerce internationale complétée par un cursus universitaire en marketing à Londres, rien ne me prédestinait à priori à faire carrière depuis plus de 30 années dans le champ de l’emploi ou du handicap.
Lors de ma première recherche d’emploi, je suis tombée sur une annonce publiée par une association, créée par la Ville de Paris en 1987 dans le sillage de la loi d’emploi du 10 juillet, qui recherchait un « Chargé de mission pour placer en emploi des administrés parisiens en situation de handicap ». J’ai vu dans cette offre l’opportunité de vendre une prestation de service comme m’y avait préparé ma formation. J’ai alors découvert l’environnement associatif, l’emploi et le handicap et cela a eu un écho pour moi, ce dont je ne me doutais pas.
En 1995, on m’a confié l’ouverture d’une agence en Seine Sainte Denis à Aulnay- Sous-Bois ; c’était bien avant Cap emploi mais les missions étaient quasi similaires : accompagner les employeurs comme les personnes, et agir en « médiateur d’emploi » entre l’offre et la demande. J’ai alors découvert la formidable énergie d’action et de coopération des nombreux réseaux d’acteurs institutionnels et associatifs sur un territoire pourtant réputé difficile. J’ai toujours conçu mon métier avec cette approche issue du marketing, et promouvoir les talents de chacun dans un environnement d’emploi quel qu’il soit peut-être abordé comme du « marketing social ».
En parallèle, tout l’environnement s’est structuré avec les politiques d’emploi successives, les renforcements des obligations d’emploi et le déploiement national du label Cap emploi à partir de 2000 a rendu plus lisible l’action opérationnelle de nos associations.
J’ai continué à progresser dans ce réseau associatif pour arriver sur des postes de coordination de projets et d’équipes jusqu’à devenir courant 2021 Déléguée Régionale du réseau CHEOPS Ile de France, tête de réseau régional des huit Cap emploi franciliens.
Comment perçois-tu l’évolution de la prise en compte du handicap dans la Fonction publique ces dernières années ?
J’ai dans mon parcours assisté à la naissance du FIPHFP en 2005 et ai pu constater la forte prise de conscience des employeurs publics dans cette nécessaire stratégie d’accueil et encore plus d’accompagnement de leurs agents en situation de handicap.
Avant la création du FIPHFP, nous travaillions déjà avec les employeurs publics et en particulier avec la Ville de Paris qui avait créé notre association. Il y avait déjà des partenariats de proximité et l’on coopérait en particulier sur le déploiement des contrats aidés qui permettent aujourd’hui encore un parcours emploi-formation pour de nombreuses personnes en situation de handicap plus éloignées de l’emploi.
Entre 2005 et 2015, et surtout dans les premières années, nous avons vu toutes les interrogations soulevées par les employeurs publics autour des méthodes de recrutement car les établissements publics pratiquaient alors quasi-exclusivement le recrutement par concours. Les nouvelles possibilités d’accès à l’emploi public pour les personnes en situation de handicap ont créé plus d’opportunités, mais ont généré beaucoup de questions très pragmatiques : comment je gère un entretien de recrutement, comment je choisis entre deux candidatures, quelles questions je peux poser etc.
Nos équipes ont alors pu être associées à des sessions de lecture de CV, à des jurys d’entretien de recrutement. Le conseil rendu aux employeurs publics était très pragmatique et bien au-delà du seul sourcing de profils.
Ce travail s’est également traduit par la structuration interne des process en lien avec le handicap. A compter de 2015, les organisations se structurent au rythme des lois et des dispositifs proposés, notamment avec les conventions signées avec le FIPHFP. Quand un établissement public s’engage dans une convention, il y a plus de portage pour trouver des solutions. Cela contribue au développement des expertises en interne et des ressources mobilisables en pluridisciplinarité au sein des établissements publics. Les référents handicap dans les établissements publics sont également plus facilement identifiables.
Qu’est-ce qui t’a particulièrement marqué ?
Le sujet est de plus en plus incarné. Les voies d’accès dans la Fonction publique sont multiples et elles changent encore les habitudes ; l’adaptation est continue. Il y a globalement plus d’ouverture à certaines typologies de handicap dont parfois les plus complexes.
Côté maintien dans l’emploi, nous avons moins de recul. Le maintien est en effet embarqué dans les missions de Cap emploi seulement depuis 2018 et cela reste donc encore assez récent. On perçoit encore une complexité en raison du statut qui peut parfois limiter la recherche de solutions, notamment de reclassement, ou du fait de la mobilisation des aides exclusivement par l’employeur. Pour autant, des choses se font.
Il y a eu des réformes expérimentales pour travailler les carrières dans la loi de Transformation de la Fonction publique ce qui souligne une forme de souplesse et de principe de réalité que l’Etat cherche à tester comme la titularisation des apprentis ou encore le changement de catégorie par détachement.
On ne peut que souligner également l’action de plus en plus visible des référents handicap qui portent au quotidien l’engagement de leurs établissements dans la politique handicap en interaction interne avec les gouvernances, les équipes encadrantes, les personnels mais également avec l’écosystème partenarial souvent très dense de leurs territoires.
Le service public de l’emploi se transforme en profondeur depuis plusieurs années. Quels impacts concrets pour les demandeurs d’emploi en situation de handicap et les employeurs publics ?
L’État a renforcé l’objectif d’inclusion des personnes en situation de handicap dans le milieu professionnel. L’accès des bénéficiaires de l’obligation d’emploi handicap à l’ensemble des services, aides et mesures de droit commun devient la règle prioritaire complétée le cas échéant par des dispositifs et financement venant en logique de « compensation » de la situation de handicap.
L’installation des « Teams handicap Cap emploi - France Travail » dans chaque agence France Travail a été une première étape en ce sens finalisée en 2022. Elles sont au nombre de 121 en Ile-de-France et proposent une offre de service intégrée inclusive et de proximité au service de l’emploi des personnes en situation de handicap.
Le nouvel enjeu issu de la loi pour le Plein emploi du 18 décembre 2023 est désormais la mise en place du « réseau pour l’emploi » qui porte la forte ambition de transformation du Service public de l’emploi et de poursuivre le décloisonnement de l’action des acteurs emploi et formation au plus près des bénéficiaires (demandeurs d’emploi comme employeurs).
C’est un changement profond de l’organisation des acteurs qui proposent un accompagnement socio-professionnel renforcé des personnes qui en ont le plus besoin ; pour les personnes en situation de handicap cet accompagnement est désormais intermédié par les « Team handicap » présentes au sein de chaque agence France Travail.
En lien avec le plan de transformation des ESAT de 2021 et les recommandations de la dernière CNH d’avril 2023 un autre défi est à relever au sein du Réseau pour l’Emploi … celui de rendre la société encore plus inclusive et en particulier pour sécuriser les parcours professionnels des travailleurs d’ESAT qui souhaiteraient et pourraient travailler en milieu ordinaire de travail. De nouvelles synergies d’actions sont à développer entre les professionnels des ESAT et les acteurs de l’emploi à compter du 1er janvier 2025.
Au gré des lois et des réformes successives du service public, il y a désormais un engagement plus concerté entre l’Etat et les Régions sur les sujets emploi et formation avec des feuilles de route partagées.
Pour les personnes, l’objectif visé par la loi Plein emploi est « l’emploi pour tous y compris pour les personnes en situation de handicap » ! Pour les employeurs publics, ce sera une étape complémentaire pour repérer de nouveaux acteurs en proximité dans une logique plus territorialisée.
Quels défis majeurs identifies-tu pour les années à venir dans la mise en œuvre des politiques inclusives dans la Fonction publique ? Quelles seraient selon toi les priorités pour y répondre ?
La mise en œuvre des politiques inclusives dans la Fonction publique doit pouvoir s’appuyer sur une stratégie qui peut se matérialiser par une convention avec le FIPHFP qui affiche une ambition affirmée de l’établissement public.
Je pense que la convention est facilitante car elle engage la gouvernance, elle structure, elle donne un cap et des moyens d’actions.
Les prochains défis sont déjà là : attractivité de l’emploi public, anticiper le vieillissement de la population, l’émergence des nouveaux métiers et la disparition de certains. Comment les employeurs publics prendront-ils ces éléments ou seront accompagnés pour réinterroger leur manière d’intégrer, de maintenir les agents ou futurs agents en situation de handicap, et comment le statut de la fonction publique accompagnera-t-il ces nécessaires changements ?
Est-ce que l’évolution du statut de la fonction publique permettra de soutenir davantage le recrutement et/ou le maintien dans l’emploi des publics concernés ? Toutes ces questions trouveront des réponses à différentes échelles : législateur, employeur…
Un souhait pour 2025 ?
Dans leur engagement quotidien vis-à-vis de l’emploi des personnes handicapées, les employeurs publics sont à cet égard pleinement partie prenante de la réussite de l’ambition portée par la loi Plein Emploi du 18 décembre 2023 qui trouvera son plein aboutissement à horizon du 1er janvier 2027.
Cette loi fait singulièrement évoluer les droits et l’accompagnement de l’ensemble des travailleurs et demandeurs d’emploi en situation de handicap.
En proximité des acteurs du réseau pour l’emploi de chaque territoire, on peut souhaiter que chaque employeur public puisse en 2025 avec l’appui de leur référent handicap installer ou renforcer des coopérations pour :
- contribuer à la promotion de l’emploi public et à l’accueil de stagiaires et d’alternants en situation de handicap,
- recruter de nouveaux talents en situation de handicap,
- prévenir le risque de désinsertion professionnelle d’agents en situation de handicap et agir sur leur maintien en poste,
- accompagner les évolutions de carrières des agents en situation de handicap.
Les équipes Cap emploi seront à vos côtés sur le terrain pour relever ces défis, comme les suivants ! Belle année 2025 à tous.