Depuis mars 2017, il est désormais possible à la fonction publique d’Etat de recruter par voie dérogatoire des agents de catégorie A+, hors concours formés à l’ENA . Regards croisés de Pierre-Henry Dodart, administrateur chargé de mission au sein de la DGAFP (Direction générale de l’administration et de la Fonction publique), recruté via ce nouveau dispositif, et de Nicolas de Saussure, chef de service du pilotage des politiques de ressources humaines au sein de la DGAFP .
Une voie de recrutement dérogatoire, pour les travailleurs en situation de handicap, dans les corps d’encadrement supérieur
Depuis 2017 et le décret n° 2017-346 du 17 mars, porté par le Ministère de la Fonction publique et relatif au recrutement des travailleurs handicapés dans certains corps recrutant par la voie de l’Ecole nationale d’administration (ENA ), il est désormais possible de recruter hors concours, sur un contrat de 18 mois, avant une éventuelle titularisation, des personnes en situation de handicap possédant un diplôme du niveau de la licence, sur les corps des administrateurs civils, des administrateurs de la DGSE , des sous-préfets, des conseillers aux affaires étrangères, de l’inspection générale des finances, de l’inspection générale de l’administration du ministère de l’intérieur et de l’inspection générale des affaires sociales. Les personnes, ainsi retenues, sur la base de recrutements lancés par les différentes administrations concernées, suivent alors une formation de 5 mois avec les élèves du CSPA (cycle supérieur de perfectionnement des administrateurs) /CIO (cycle d’intégration des officiers) dispensée par l’ENA , à Strasbourg.
Ce décret, porté par la DGAFP , vise à augmenter la part de personnes handicapées dans l’encadrement supérieur de la fonction publique d’état, part aujourd’hui inférieure à la moyenne nationale.
Une action pour laquelle la DGAFP se voulait exemplaire comme l’explique Nicolas de Saussure, chef de service du pilotage des politiques de ressources humaines : « Pour la DGAFP , qui a élaboré et porté le décret n° 2017-346 du 17 mars 2017 relatif au recrutement des travailleurs handicapés dans certains corps recrutant par la voie de l'Ecole nationale d'administration, il est apparu d’emblée incontournable de participer à la première phase de recrutement par la voie contractuelle dans le corps des administrateurs civils. Nous avons mis en place un comité de sélection avec des représentants de la DRH de Bercy et une personnalité extérieure, afin d’auditionner la dizaine de personnes qui ont candidaté sur le poste de chargé de mission auprès du chef du service du pilotage des politiques de ressources humaines. Nous avons identifié de très bons candidats et avons retenu la candidature de Pierre-Henry Dodart ».
« Mettre mes compétences, acquises lors de mes expériences antérieures, au service de l’Etat »
En mars 2018, Pierre-Henry Dodart, après plusieurs années comme consultant, a bénéficié de ce dispositif : « Souhaitant mettre mes compétences, acquises lors de mes expériences antérieures dans le secteur privé, au service de l’Etat, je préparais le 3ème concours de l’ENA avec l’IGPDE , quand j’ai découvert, par moi-même, le dispositif. Je me suis alors renseigné et ai appris, en janvier la publication d’un poste par la DGAFP . J’ai alors rempli un dossier type RAEP et passé un entretien avec un jury de cinq administrateurs. Deux semaines avant la rentrée de l’ENA à Strasbourg, j’ai su que j’étais retenu ! ». Il a alors fallu que Pierre-Henry Dodart s’organise dans des délais courts, alors qu’il habitait à Lyon avec sa famille.
Dès ses premiers pas au sein de l’ENA et comme chargé de mission au sein de la DGAFP , il a choisi d’annoncer son recrutement dérogatoire et sa qualité de travailleur handicapé : « J’ai voulu être transparent et mon intégration s’est faite assez facilement. J’avais l’habitude de changer de milieu professionnel, avec mon métier de consultant ». Une adaptation et une expertise professionnelle soulignées par Nicolas de Saussure : « Sur tous ces sujets, l’expertise qu’il a acquise dans ses précédents postes dans le secteur privé, notamment dans le domaine des SI et de l’organisation du travail, est particulièrement précieuse et complémentaire aux profils habituels de la DGAFP ».
Intégré depuis maintenant un an, dans la Fonction publique, Pierre-Henry Dodart souligne l’exemplarité de la DGAFP et du Ministère de l’Europe et des Affaires Etrangères pour l’année 2018 en matière d’insertion professionnelle des personnes handicapées sur des postes à responsabilité. Cependant, « on observe encore une absence de recrutement dans le corps d’inspection, des sous-préfets et des administrateurs de la DGSE . Chacun doit contribuer et donner l’exemple ! ». Il encourage également d’autres vocations : « Une situation de handicap est contextuelle : ce n’est pas parce que l’on ne peut pas courir, comme moi, que l’on n’est pas capable d’élaborer et de concevoir des politiques publiques. Si l’on candidate, il faut savoir pourquoi on y va et être à la hauteur des enjeux. Il faut garder à l’esprit que ce n’est pas seulement une carrière individuelle qui est en jeu, mais aussi la légitimité d’un dispositif qui va permettre une société plus inclusive ».
Un avis partagé par Nicolas de Saussure tant sur l’aspect du recrutement que du parcours professionnel : « Il apparaît très important, pour les années à venir, de pouvoir anticiper davantage les recrutements. Il serait idéal que les ministères ouvrent des postes chacun à tour de rôle. Ils sont actuellement insuffisamment mobilisés et une mobilisation collective des ministères est indispensable. Pour cette année, je tiens à souligner l’implication du Ministère de la Justice qui a lancé un recrutement par cette voie.
Nous devons, côté DGAFP , en communiquant davantage sur ce dispositif, rassurer les ministères employeurs sur les retours extrêmement positif des premiers recrutements. Cette anticipation permet également de définir au mieux le besoin d’aménagement et de mettre en place le moment venu, au cas par cas, la ou les mesures appropriées en vue de garantir des conditions d’exercice des fonctions exemptes de toute forme de discrimination. Au-delà, nous devons travailler sur les déroulés de carrière, pour offrir, selon les situations de handicap, l’aménagement de poste qui en découle et les appétences des personnes, des postes tournés vers le management et des postes mettant davantage en valeur l’expertise pointue ».