La Période Préparatoire au Reclassement (PPR ) est un dispositif récent résultant l’ordonnance du 19 janvier 2017 et les décrets d’applications du 20 juin 2018, 5 mars 2019 et 18 mai 2021. Nous avons souhaité éclairer ce sujet d’un point de vue juridique et avons, notamment, donné la parole à Maître Christelle Mazza, avocate à la Cour.
La mise en place de la PPR traduit des intentions ambitieuses du législateur en matière de maintien dans l’emploi :
- Instaurer une dimension managériale et individualisée en matière de gestion de l’emploi dans la Fonction publique ;
- Régler les problèmes de temporalité pour le reclassement des agents ;
- Moderniser les textes ;
- Traduire réglementairement le principe social de non-discrimination en matière de maintien dans l’emploi.
Cette volonté du législateur s’incarne dans différents textes de lois. La PPR a ainsi été mise en place par l’ordonnance n°2017-53 du 19 janvier 2017 qui modifie l’article 63 de la loi du 11 janvier 1984 (relative à la Fonction publique d’Etat) et insère les articles 85-1 dans la loi du 26 janvier 1984 (relative à la Fonction publique territoriale) et 75-1 dans la loi du 9 janvier 1986 (relative à la Fonction publique hospitalière). Cette dernière stipule que « le fonctionnaire reconnu inapte à l’exercice de ses fonctions a droit à une période de préparation au reclassement avec traitement d’une durée maximale d’un an. Cette période est assimilée à une période de service effectif ».
Les décrets d’application sont parus, au fil du temps, pour chacune des Fonctions publiques et sont applicables de plein droit (sans attendre des circulaires plus spécifiques). Trois décrets en précisent les modalités de mise en œuvre :
- Le décret n°2018-502 du 20 juin 2018 pour la Fonction publique d’Etat.
- Le décret n°2019-172 du 5 mars 2019 pour la Fonction publique territoriale.
- Le décret 2021-612 du 18 mai 2021 pour la Fonction publique hospitalière.
Spécialisée en droit de la Fonction Publique (contentieux administratif et pénal), Maître Christelle Mazza accompagne régulièrement des agents éligibles au reclassement et victimes de discrimination ou de harcèlement moral. Son premier constat concerne le manque de connaissance du dispositif de PPR par les employeurs : « La réforme est assez récente. De nombreuses administrations ne connaissent pas encore bien le dispositif, notamment au sein de la Fonction publique d’Etat. La PPR permet d’anticiper le retour à l’emploi d’agents, en arrêt de longue durée, quelle que soit l’origine de cet arrêt ».
Second aspect important aux yeux de Maître Mazza : l’anticipation des situations d’inaptitude et de reclassement et la nécessaire surveillance, au titre des risques psychosociaux (RPS ), des arrêts maladies dans les services. « Trop peu d’employeurs publics mettent en place un document unique d’évaluation des risques, notamment sur la question de la pénibilité au travail. Il est primordial de surveiller les indicateurs RPS des services pour identifier les arrêts longs et avoir une réflexion globale sur la gestion d’emploi.
Si l’employeur réalise, au bout d’un certain temps, que l’on se dirige vers une inaptitude, il doit anticiper, rassurer l’agent en lui faisant part de la possibilité d’une année de préparation à ce reclassement. Il doit également travailler sur la proactivité du management. Un reclassement bien accompagné a toutes les chances d’aboutir. Dans les situations d’impasse, c’est à l’employeur d’expliquer le dispositif à l’agent.
Cette une réflexion doit être intégrée dans la politique RH , le management et la prise en compte des risques psychosociaux. La politique de reclassement questionne l’organisation de l’emploi au sein d’une collectivité ».
Concernant le dispositif de PPR , il est important de le mettre en place le plus tôt possible, comme le confirme Maître Mazza : « Il ne faut pas aller dans la facilité de la gestion par arrêts maladie. Elle n’est bonne ni pour l’employeur, ni pour l’agent. Il faut expliquer à ce dernier qu’une autre existence professionnelle est possible et l’accompagner à faire le deuil du métier. Il faut également sensibiliser les équipes managériales qui risquent de faire preuve de discrimination consciemment ou non.
Elles doivent être informées de l’ensemble des mécanismes. Les obligations des employeurs publics sont les mêmes que celles des employeurs privés. Or les contentieux se multiplient en matière de harcèlement moral et de mise en danger. Ce sont les managers qui sont en première ligne et qui encourent le risque pénal ».
En instaurant la PPR , le législateur a exprimé la volonté de moderniser et d’apporter une dimension managériale et individuelle à la gestion de l’emploi dans la Fonction Publique. La mise en œuvre est parfois encore complexe, comme le souligne Maître Mazza : « J’aimerais que, dans la vie réelle, l’esprit de la loi puisse être appliqué : une loi noble et humaniste ayant le maintien dans l’emploi comme priorité. Pour cela, un accompagnement de la part de l’employeur est nécessaire, mais également un travail de conviction auprès des agents. Je me retrouve trop fréquemment confrontée à une certaine rigidité de l’emploi dans la Fonction Publique. Il faut savoir faire preuve de souplesse et prôner la mobilité Inter Fonction Publique pour construire un vaste marché de l’emploi public et ré-enchanter ainsi le monde du travail public ».