Yannick Fuseau est psychiatre au centre hospitalier de la Roche-sur-Yon et expert auprès du comité médical départemental. Il est ainsi consulté sur la reprise du travail de personnes souffrant de troubles psychiques.
Un double regard professionnel sur le handicap psychique qui pose la question de l'évaluation de la maladie (quand la maladie psychique devient-elle un handicap ?), de l'importance d'une démarche individualisée et de celle du projet de vie de l'agent.
Le handicap psychique est un processus évolutif qui doit être géré au cas par cas et par l’ensemble des professionnels concernés.
Trop souvent, il y a le monde du soin d’un côté et le monde médico-social de l’autre. L’objectif, le plus important, est de travailler ensemble de manière à intégrer la notion de handicap psychique dans des structures davantage faites pour gérer les sujets liés au handicap mental. Il faut travailler un projet individualisé pour chaque patient. Il n’y a pas de règle générale pour un bon accompagnement. Cela doit être étudié au cas par cas. Il faut le regard du médecin mais aussi celui de la structure de réhabilitation psychique sociale.
Yannick Fuseau, Psychiatre au centre hospitalier de la Roche-sur-Yon
Quand une maladie psychique devient-elle un handicap ?
Il n’y a pas de réponse unique, comme le souligne Yannick Fuseau : « Les personnes peuvent être bien pendant longtemps et tout à coup craquer. Une maladie évolutive chronique est un handicap, elle est différente d’un simple épisode dépressif. Quand les troubles durent, cela se transforme en handicap ».
L’évaluation : un prérequis pour une reprise du travail dans les meilleures conditions
La question centrale est celle de la reconnaissance et de l’évaluation de ce handicap. Quel outil pour évaluer la personne, pour savoir si elle peut reprendre son travail. Elle peut, en effet, se sentir très bien à un instant « t », mais le fait de la réintégrer sur son poste, la réaction du collectif de travail ou de l’encadrement peuvent la faire rechuter. Comment apprécier chaque cas ? Cette évaluation est très difficile à réaliser, chaque situation étant très différente. Elle se base sur les éléments transmis par le médecin du travail ou le médecin de prévention.
Les liaisons entre expert, médecin du travail ou de prévention et service des ressources humaines sont primordiales pour une bonne reprise. Les systèmes de tutorat et d’évaluation régulière le sont également. Yannick Fuseau souligne que « le concept de « projet de vie » doit être au centre de l’accompagnement : on peut être bien un jour et mal un autre. Les « émotions » se récupèrent rapidement, les « cognitions » (argumentation, organisation du travail, attention) moins. D’où la nécessité d’évaluations cognitives ».
Dans une société où le travail demande de plus en plus d’adaptation, de productivité et génère du stress, les personnes en situation de handicap psychique ont parfois du mal à trouver leur place. Elles se sentent mieux dans un travail régulier mais lors d’un changement de chef, par exemple, elles peuvent faire une rechute. Le monde du travail actuel sollicite beaucoup plus leurs capacités d’adaptation, il faut en tenir compte pour réussir une bonne intégration.
La RQTH , du gagnant / gagnant pour la personne et pour l’employeur
La question de la Reconnaissance de la Qualité de Travailleur Handicapé (RQTH ) se pose aussi. Elle est une solution gagnant / gagnant pour l’agent et pour l’employeur, toutefois, comme l’indique Yannick Fuseau : « Il faut la faire accepter aux malades psychiques. Dans le cadre d’une pathologie au long cours, la RQTH est souvent une reconnaissance de la baisse de productivité liée au handicap et des difficultés au sein de la structure. Les personnes en situation de handicap revendiquent ainsi le droit au travail, dans des conditions spécifiques. La RQTH permet ce maintien dans l’emploi. Avec elle, l’employeur reconnaît donc une certaine difficulté de la personne à exercer son emploi ». Les aides apportées à la personne, via la Maison Départementale des Personnes Handicapées (MDPH ), et à l’employeur, via le FIPHFP , peuvent alors être un retour gagnant/gagnant vers l’emploi.