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Le FIPHFP, partenaire de l’expérimentation du Nouvel Institut sur le travail constructeur de santé à la loupe du cancer

Depuis 2019, le FIPHFP est engagé aux côtés du Nouvel Institut dans une expérimentation de terrain avec des collectivités territoriales volontaires pour étudier et expérimenter la façon de concilier travail et cancer. 

Ce projet interroge les ressorts de l’activité professionnelle dans une perspective individuelle et collective.  A travers ce partenariat, Le FIPHFP souhaite accompagner les employeurs publics dans une réflexion sur l’organisation du travail en vue d'une plus grande soutenabilité pour toutes et tous.

Menée en partenariat avec l’Institut National du Cancer, l’Agefiph et la Direction générale du travail, les expérimentations programmées portent sur trois champs :

  • co-construire, en partenariat avec une ou des collectivités, une expérimentation relative à l'élargissement des usages du congé longue maladie fractionné,
  • expérimenter les « conventions d’initiatives concertées » en environnement réel,
  • intervenir par et avec le "récit d’expérience" : formaliser une démarche d’intervention, recueillir et mettre en forme des retours d’expérience.

Un projet sur le travail constructeur de santé à la loupe du cancer

Les problématiques de maintien en emploi visent généralement la prévention de la désinsertion. Ici, à la loupe du cancer, elles s'élargissent à la perspective du travail constructeur de santé. En effet, les études épidémiologiques sur lesquelles s’appuie la recommandation clinique pour le maintien en emploi de la Haute Autorité de Santé, mettent en évidence une corrélation positive entre le fait de travailler et l’espérance de vie en santé cinq ans après un cancer.

Si hier les médecins recommandaient à leurs patients de se reposer, aujourd'hui ils les encouragent à vivre "normalement" et demain on s'attend à qu'ils leur disent de poursuivre, autant que faire se peut, leur travail. Les recommandations cliniques vont en conséquence de plus en plus dans le sens de la poursuite de l’activité professionnelle. Reste cependant un chantier important : celui de construire les conditions dans lesquelles le travail peut, de fait, constituer une ressource dans un parcours de santé.

Alors que les politiques publiques adoptent plutôt une approche compensatoire : on part de la maladie, assimilée à un ensemble de pertes, pour trouver des compensations, il faudrait aujourd’hui aller vers un modèle alternatif où l’on partirait du travail et de ses possibilités pour pouvoir envisager la conciliation entre le travail et la santé, laquelle ne serait plus réduite à l'absence de maladie.

Rencontre avec Pascale Levet, Déléguée générale du Nouvel Institut, pour en savoir plus sur cette expérimentation unique.

Comment ce projet est-il né ?

Le projet « Travail et Cancer, élargir le maintien en emploi au travail constructeur de santé » a été conceptualisé en 2018 et lancé en 2019 avec l’appui de l’Institut National du Cancer et de l’Agefiph. Rapidement, nous avons pu le présenter au conseil scientifique du FIPHFP qui s’est également déclaré partant.

Nous avons à l’esprit que le cancer et les maladies chroniques transforment les enjeux du maintien en emploi et nous appellent à innover pour rendre effectivement possible le « travail thérapie ». Nous voulions investiguer les voies à explorer afin que le travail puisse être une ressource sans que cela ne se résume à des prescriptions médicales ou juridiques.

Quelle méthodologie avez-vous mise en œuvre pour cette expérimentation au sein de la Fonction publique ?

Nous nous sommes concentrés sur la fonction publique territoriale car elle abrite de très nombreux métiers, variés, présentant des exigences et des ressources très différentes du point de vue de la conciliation entre travail et cancer. D'autant que notre loupe sur le cancer du sein, celui qui est le plus répandu dans la population active, rencontre de larges échos dans la FPT qui emploie 62% de femmes. Pour commencer, nous sommes allés à la rencontre d’une dizaine de collectivités dans le Nord, à Toulouse ou encore à Lyon. Il s’agissait d’identifier des situations de travail avec ou après un cancer sur lesquelles nous avons enquêté avec les agents concernés et leur entourage professionnel direct pour découvrir et comprendre ce que leurs expériences pouvaient apprendre à d'autres.

Nous avons rencontré plus d’une trentaine de situations de travail avec ou après un cancer, dans tous types de métiers (essentiellement des fonctionnaires et quelques contractuels). Les récits d'expérience du travail avec ou après un cancer de ces agents et de leur entourage professionnel ont été retravaillés pour les "monter en généralité" et passer d'un récit d'une personne en particulier à celui d'une situation à portée universelle. Aucune situation n’est la même. Parfois le maintien se fait en « bricolant un peu » au sein d’une équipe avec la bonne volonté de chacun et surtout une activité qui le tolère bien. Parfois le retour à l’emploi a lieu dans un service où il existe une réelle solidarité collaborative, mais où l'activité est très contrainte. Dans les cas plus difficiles, la possibilité de travailler avec ou après la maladie est incertaine et/ou réduite : parce que le poste de travail ne présente pas du tout de marges de manœuvre, parce que les prescriptions de la santé au travail (temps de travail, restrictions d’aptitude) se heurtent à l'activité réelle et aux ressources de l'organisation pour y faire face...

C’est à partir de ces réalités de terrain - hétérogènes, échappant parfois aux "canons" du maintien en emploi tel qu'il est défini dans les textes - que nous avons bâti le programme d'expérimentation. Il ne s'agit pas ici d'expérimentations à grande échelle pour vérifier ce qui fonctionne ou non, mais d'expérimentations locales, qualitatives, pour défricher, en environnement réel, ce qui pourrait être fait autrement et mieux en matière de conciliation du travail et de la santé.

Parmi ces expérimentations, je peux citer :

  • l'élargissement des usages du congé longue maladie fractionné : pas seulement réservé à des soins prescrits par une autorité médicale, mais bien mobilisé pour réguler l'activité de travail et la santé,
  • la convention temporaire d'initiative concertée pour permettre à des agents dont la maladie ne connaitra peut-être pas une guérison, mais un rétablissement, de travailler  s'ils ou elles estiment que travailler les aide à faire face à cette épreuve.
  • des expérimentations où les agents ne "reprennent" pas forcément leur poste (parfois ce n'est pas compatible), mais où ils ou elles reviennent dans leur milieu de travail et y accomplissent une activité, y rencontrent des collègues, y participent à rendre un service, ce qui contribue à leur parcours de rétablissement. Cette expérimentation est très intéressante qu'elle concerne des ATSEM, des cadres contractuels ou encore des musiciens ou musiciennes d'un orchestre national.

Notre conviction est la suivante : la conciliation entre le travail et la santé n'est pas qu'une affaire médicale. Pour construire les conditions d'un travail constructeur de santé, il faut aussi mettre autour de la table les protagonistes de la situation de travail : l'agent concerné, son encadrement direct, l'appui des services RH et de la santé au travail non pour "prescrire" ce que dit le droit, mais pour éclairer les enjeux de la situation du point de vue de la conciliation.

Nos expérimentations permettent de progresser sur l'ingénierie d'un tel dispositif, les voies pour une articulation simple avec l'existant, les questions encore à trancher (par exemple les conditions à sécuriser pour que tout agent puisse être dans le tour de table).

Quelles seront les prochaines étapes de ce projet ?

Nous commençons à expérimenter un format de travail via une masterclass Le travail constructeur de santé à la loupe du cancer : apprenons les uns des autres. L’idée est de réunir des agents en responsabilité de management et volontaires, sur trois sessions de 2h, avec un intervalle de 4 à 5 semaines pour construire avec eux des capacités individuelles et collectives d'affronter les situations de travail avec ou après un cancer qui surviennent dans leurs équipes. Enquêter sur les conditions du travail constructeur de santé est la colonne vertébrale de cette masterclass où Il s’agit de réfléchir et de produire des réponses collectives, à la créativité ou l’agilité organisationnelle pour permettre des conditions de solidarité productive et une réelle soutenabilité du travail.

Nous avons testé un format court (2h) à Toulouse et prévoyons d'expérimenter le format 3X2h dans deux grandes collectivités et deux établissements hospitaliers.

Quels éléments, un employeur public qui souhaite accompagner l’un de ses agents souffrant d’un cancer dans l’emploi ou pour son retour à l’emploi, doit-il avoir à l’esprit ?

Il est important de ne pas se tromper d’approche : Accompagner seulement l’agent, c’est signaler que l’on est une collectivité à l’écoute, mais c’est surtout faire la preuve que l’on n’a pas bien compris ce qui se joue dans le travail constructeur de santé.

L’employeur doit avoir à l’esprit que l’on n’accompagne pas un agent, mais que l’on accompagne une situation. Ce n’est pas seulement l’agent qui doit bouger, c’est la situation qui bouge et elle regroupe l’agent, son manager, le collectif de travail et l’activité professionnelle en elle-même. Le travail constructeur de santé est ancré dans l'activité de travail !

Au-delà des accompagnements psychosociaux individuels en oncologie, il est primordial de penser des interventions dans le milieu de travail pour permettre le maintien dans l’emploi des agents.

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