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La Nouvelle_Aquitaine accueille l’étape du Tour de France des Handicaps invisibles dédiée aux troubles auditifs

L’étape en Nouvelle Aquitaine du Tour de France des Handicaps invisibles du s’est tenue le 7 novembre 2024 à l’Université Bordeaux. L’événement était consacré aux troubles auditifs et à leurs impacts en milieu professionnel. Cette rencontre a débuté par une introduction générale sur les troubles auditifs, suivie d’une première table ronde avec des témoignages croisés et une présentation des ressources mobilisables.

Les handicaps invisibles à l'honneur

La séance a été lancée par Marine Neuville, Directrice du FIPHP, avec une tribune introductive, précisant l’enjeu de ce Tour de France des Handicaps invisibles dont la dernière étape à Dijon se déroulera début décembre. Eric Dugas, Chargé de mission handicap à l’Université de Bordeaux, a rappelé au début de cette rencontre l’engagement de l’Université et l’importance d’une posture d’inclusivité plus que d’inclusion. Cette introduction au colloque a été clôturé par Florence Guéry, directrice territoriale handicap Nouvelle Aquitaine du FIPHFP, illustrant, à partir d’un témoignage d’un agent et d’un employeur, de quelle façon les handicaps invisibles peuvent passer inaperçus dans une structure, jusqu’au moment où la contrainte devient trop forte pour l’agent.

Au-delà des apparences : comprendre les biais liés aux handicaps invisibles

La première partie de cette étape du Tour de France a été introduite par Jérôme Oddon, fondateur et dirigeant d’Adeo Conseil, qui a exploré la façon dont les handicaps invisibles influencent notre manière de percevoir et d’interpréter les situations, souvent de façon biaisée. Il a expliqué que face à des situations nouvelles, notre cerveau recourt spontanément à des raccourcis mentaux afin de réagir rapidement, face à un flot d’informations. Ce processus mène naturellement à des jugements partiaux ou inexacts.

Pour mieux comprendre les défis liés aux troubles auditifs en entreprise, l'association IRSA, représentée par ses référentes surdité Emma Dirat et Claire Nasom, ainsi que par sa coordinatrice Sophie Morel, ont présenté de l’IRSA et la Plateforme Sensorielle d’Appui Ressource. L’IRSA association médico- sociale reconnue d’utilité publique depuis 153 ans, accompagne plus de 1 200 personnes en situation de handicap visuel et/ou auditif. La Plateforme Sensorielle d’Appui Ressource offre des formations, un accompagnement professionnel, des appuis spécifiques ainsi que des compensations adaptées pour les handicaps rares et complexes.

Les participants ont ensuite pris part au Jeu des Décibels : dix personnes représentant divers environnements ou situations (comme un aéroport, une conversation, un concert, ou un chuchotement) ont dû se placer en ligne, de la situation la plus silencieuse à la plus bruyante. Ce jeu a permis de mieux comprendre les différents niveaux de surdité en fonction du niveau de décibel. Une vidéo explicative a ensuite présenté les types et causes de surdité, ainsi qu’un aperçu du système auditif.

La deuxième partie de la présentation des représentantes de l’IRSA a porté sur les nombreux préjugés autour du handicap auditif et leurs impacts en milieu de travail. Par exemple, contrairement aux idées reçues, les personnes sourdes sont aussi gênées par le bruit ambiant et perçoivent souvent les sons graves grâce à un reste auditif. La lecture labiale, quant à elle, ne permet de saisir que 30 % du message, d’où l’importance de reformuler plutôt que de répéter. Les intervenantes ont également mis fin à une vieille croyance : les personnes sourdes ne sont pas muettes. Elles peuvent parler, crier et rire, car leurs cordes vocales fonctionnent parfaitement.

Inclusion professionnelle : le témoignage inspirant d'Alicia Cigarroa

Une table ronde a ensuite réuni Alicia Cigarroa, secrétaire pédagogique au master STAPS de l’Université, et Nathalie Constant, référente handicap à l’Université de Bordeaux. Alicia Cigarroa a partagé son parcours de recrutement et de maintien dans l’emploi à l’université.

Appareillée depuis l'âge de 13 ans, Alicia a d’abord travaillé sept ans dans la grande distribution. Cependant, durant les périodes chargées comme Noël, l’animation et la musique amplifiaient ses difficultés à entendre les demandes des clients, ce qui devenait épuisant. En 2017, elle postule à l’Université de Bordeaux via un recrutement réservé (BOETH) pour un poste d’accueil et obtient une titularisation au bout d’un an. En 2021, une aide significative lui est accordée pour le financement de sa prothèse auditive. Devenue secrétaire pédagogique en STAPS, elle a toutefois dû faire face aux nuisances dues aux travaux dans les bureaux. Avec le soutien du médecin du travail et de Cap Emploi, elle reçoit un équipement adapté : un casque à réduction de bruit, compatible avec son téléphone et son ordinateur, qui améliore considérablement son confort de travail. Bien que son parcours ait été facilité par divers interlocuteurs (Nathalie Constant, le médecin du travail et Cap Emploi), elle souligne la difficulté d’obtenir des rendez-vous chez un ORL ou un spécialiste et le défi d’accepter son handicap au quotidien, où elle se sentait parfois en décalage.

Nathalie Constant a ensuite pris la parole pour souligner qu'Alicia a eu la chance de rejoindre un environnement bienveillant, où le poste a été ouvert à l’initiative même des managers et où l’acceptation des aménagements s’est faite naturellement. Elle rappelle que les recrutements BOETH représentent un atout essentiel pour l’inclusion, mais qu'ils sont actuellement fragilisés par les contraintes budgétaires.

Pour elle, la priorité est de bâtir une image d’employeur inclusif, en menant en place des actions concrètes, tant en interne qu’en externe. Nathalie ajoute que la progression de carrière pour une personne en situation de handicap est souvent entravée par l’obligation de passer des concours. Gravir les échelons signifie aussi entrer dans un nouvel environnement, sortir de sa zone de confort, repenser ses méthodes de travail et réadapter ses aménagements, impliquant de se réinventer pour une nouvelle étape de vie.

Appuis spécifiques et BOETH : des outils au service de l'inclusion professionnelle

La dernière table ronde a abordé les ressources mobilisables et réunissait Annie Marcou, consultant handicap emploi chez Cap Emploi, Sophie Morel, coordinatrice du service et référente surdité au sein de l’IRSA, et Fabien Gabassi, aide-soignant et Interprète LSF à l’unité de soin et d’accueil des patients sourds au CHU de Bordeaux.

Annie Marcou a rappelé l’organisation des Cap emploi et les modalités pour accéder à ses services. A partir d’un premier diagnostic des besoins réalisé en interne, Cap emploi est aussi prescripteurs de services apportés par d’autres organismes tels les appuis spécifiques. En Nouvelle Aquitaine, c’est l’IRSA qui porte les appuis spécifiques pour les personnes ayant des troubles de l’audition.

Sophie Morel, coordinatrice à l’IRSA, a présenté les “appuis spécifiques” que les employeurs publics peuvent solliciter pour accompagner les personnes en situation de handicap. Elle a rappelé que tout agent titulaire d’un titre BOETH valide, ou engagé dans une démarche de reconnaissance de son handicap, peut bénéficier de ces aides.

Unité d'accueil des sourds : à la rencontre de Fabien Gabassi, aide-soignant et interprète LSF

La table ronde s'est conclue par l'intervention de Fabien Gabassi, aide-soignant et inter- médiateur. Il a partagé son parcours, qui l'a mené en 2006 à l'Unité d'accueil des sourds du groupe hospitalier Pellegrin. Il a expliqué que la première unité dédiée aux sourds avait été créée en 1995 à Paris, et qu'il en existait aujourd'hui 22 en France. Fabien Gabassi est responsable de l'accueil et de l'accompagnement des patients malentendants tout au long de leur parcours de soin, ainsi que de l'intermédiation avec les autres services. Il anime également des conférences et mène des actions de prévention et de sensibilisation sur la surdité. Pour faciliter son travail, plusieurs aménagements ont été mis en place : des flashs lumineux indiquent lorsqu’on frappe à la porte, un avertisseur lumineux signale les alarmes en cas d’incendie, et une montre connectée permet d'être alerté lorsqu'on l'appelle. En cas d'interaction avec les autres services, des interprètes sont mobilisés. Lorsque ceux-ci ne sont pas disponibles, Fabien Gabassi recourt souvent aux gestes ou à l’écrit pour communiquer.

Les enjeux de l'inclusion : les points clés de la rencontre

Pour conclure cette rencontre, Marine Neuville, Directrice du FIPHFP, a mis en relief certains points saillants de l’après-midi parmi lesquels :

  • La notion d’inclusivité, démarche proactive de chacune des parties
  • Des idées reçues à abandonner sur la surdité (parler plus fort, redire à l’identique et plus fortement ce que la personne n’a pas compris la première fois, la confusion entre surdité et non oralité...)
  • Le rôle des acteurs tels que Cap emploi et Pôle emploi, mais aussi de ceux qui rendent plus facile un parcours de soin
  • L’importance d’une sensibilisation de l’équipe et du management en amont d’un parcours au sein d’une structure

Elle a enfin tenu à remercier Alicia Cigarroa pour son témoignage éclairant et l’Université de Bordeaux pour son accueil et son engagement au service de l’emploi des personnes en situation de handicap.

 

 

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