L’étape en Bretagne du Tour de France des Handicaps invisibles du , consacrée à l’épilepsie et aux troubles cognitifs associés à leur impact dans le travail, s’est tenue le 17 octobre 2024 à l’Université de Rennes. Cette rencontre a réuni près de 80 personnes
La séance d’ouverture de cette journée a été lancée par Séverine Baudouin, directrice adjointe du Fonds pour l’insertion des personnes handicapées dans la Fonction publique (FIPHFP), qui a mis en lumière la nécessité de sensibiliser et d'accompagner les personnes atteintes de handicaps invisibles dans le monde du travail.
Lors de l’intervention suivante, Audrey Lavenu, chargée de la qualité de vie au travail à l’Université de Rennes, a souligné l'engagement de l'établissement à favoriser l'inclusion des personnes handicapées. L'Université met ainsi en place des actions comme l'adaptation des politiques de ressources humaines, l'accompagnement des étudiants et la sensibilisation du personnel. Un accent particulier est également mis sur l'accessibilité des lieux et des outils numériques, ainsi que sur la compréhension des handicaps invisibles.
L’épilepsie, troisième maladie neurologique la plus fréquente
Pour la première partie du colloque, Jérôme Oddon, fondateur et dirigeant d’Adeo Conseil, a abordé la façon dont les handicaps invisibles induisent souvent des biais dans la perception et l’interprétation des situations. Cette tendance à l’interprétation rapide est motivée par le besoin de traiter un flux d’informations, de puiser dans notre mémoire et de construire une histoire cohérente, ce qui mène fréquemment à des jugements biaisés ou erronés.
Pour mieux comprendre la maladie qu’est l’épilepsie, Claire Ricordeau, neurologue épileptologue et chargée de la coordination médicale de l’Equipe Ressources Epilepsies (ERE), a expliqué que les épilepsies sont fréquentes. Environ 1% de la population, soit plus de 650 000 personnes en France, 50 millions dans le monde sont concernées. Il s’agit de la troisième maladie neurologique la plus fréquente, après la maladie migraineuse et les démences. Elle a également abordé les différentes formes d’épilepsie, mais aussi le fait que nous pouvons tous faire une crise d’épilepsie, dans des situations particulières telles qu’une dette de sommeil importante, des consommations de toxiques ou un sevrage. Il existe deux grandes catégories de crises : les crises généralisées et les crises focales (ou partielles). Claire Ricordeau a conclu en expliquant la démarche à suivre en cas de crise d’épilepsie d’un proche.
Vivre avec l'épilepsie, le témoignage d'Ines
A l’occasion d’une première table ronde, Ines Le Moigne (23 ans), qui vit avec l’épilepsie, a partagé son témoignage et évoqué la découverte de son épilepsie durant son adolescence, marquée par sa première crise. Accompagnée par L’Équipe Ressources Épilepsie (ERE), ainsi que par Marina Ropers, infirmière de coordination et d’éducation, et Hélène Jegat, ergothérapeute membres de l’équipe ERE, Ines a expliqué l’importance de l’ERE afin de prévenir les blessures potentielles et d’avoir l’aide nécessaire pour reconnaître son handicap. Ines a ensuite décrit les troubles cognitifs liés à son épilepsie, tels que des difficultés d’attention, des problèmes de mémoire et de fatigue, qui ont eu un impact sur son parcours scolaire, entraînant des absences répétées du collège jusqu'à sa licence.
Marina Ropers a expliqué la façon dont Ines a été accompagnée tout au long de son alternance, notamment pour obtenir sa reconnaissance en tant que travailleur handicapé et sensibiliser son équipe. Malgré les difficultés rencontrées, comme le harcèlement, Ines a persévéré et a finalement trouvé un emploi stable.
Mobilité et épilepsie : les clés de l'inclusion
L'importance de la mobilité pour les personnes épileptiques de plus de 14 ans a été mise en avant par Hélène Jegat, représentante d'une équipe pluridisciplinaire en Bretagne. Son équipe travaille avec des professionnels tels que des assistants sociaux, des psychologues, mais également avec l’association NeuroBretagne, pour proposer des solutions adaptées, notamment en matière de transport, afin de favoriser l'insertion sociale et professionnelle de ces personnes.
Aujourd’hui, les personnes épileptiques ont des difficultés d’accès à l’emploi et subissent un taux de chômage plus élevé, des préjugés de la part des employeurs et des restrictions dans certains métiers. Pour favoriser l’accès à l’emploi des personnes épileptiques, il est important de réaliser certaines adaptations, comme des horaires flexibles, pour favoriser le maintien en poste, ainsi que de mettre en œuvre un accompagnement personnalisé avec l’employeur et les médecins afin de faciliter l’inclusion.
Au cœur des besoins : accompagner les personnes épileptiques vers l'emploi
Lors d’une seconde table ronde, différents acteurs ont abordé la question des ressources mobilisables. Par le biais de son témoignage personnel, Amandine Laurent, professeure au sein d’un collège breton, a souligné l'importance de centrer l'accompagnement sur la personne. Elle a évoqué les obstacles qu’elle a pu rencontrer tels que la perte d'autonomie liée à l'interdiction de conduire et les difficultés à obtenir des rendez-vous médicaux dans les délais impartis. Bien qu'elle ait réussi à obtenir des aménagements de travail, ces derniers ont été entravés par des lenteurs et des incompréhensions administratives. Son expérience met en évidence la nécessité d'une meilleure coordination entre les différents acteurs pour améliorer la rapidité et la qualité des solutions proposées.
Siegfried Martin et Louise Léchard, respectivement responsable des appuis spécifiques et conseillère en insertion professionnelle au sein de LADAPT Ouest, ont ensuite présenté les appuis spécifiques, un dispositif financé par l'Agefiph et le FIPHFP, qui opère en Bretagne pour faciliter l’autonomie des personnes en situation de handicap dans le milieu professionnel.
LADAPT Ouest se concentre sur les handicaps psychologiques et les troubles neurodéveloppementaux. L'accès aux services se fait par une demande formulée par les employeurs, Cap emploi ou France Travail, avec un processus de qualification et d'accompagnement par modules, allant de l’analyse à la mise en œuvre de solutions de compensation. Ce dispositif implique une collaboration avec les employeurs, les médecins de prévention et les référents handicap afin de maintenir ou d’adapter les conditions de travail des salariés concernés.
Cette table ronde s'est clôturée avec le témoignage vidéo d’Alexandre Martin, ancien pompier en reconversion, et du Dr Arnaud Biraben. Ce dernier a créé, il y a plus de 25 ans, une consultation spécialisée en neurologie et neurochirurgie, motivée par le constat que les patients épileptiques guéris par la chirurgie éprouvaient des difficultés à trouver un emploi. Cette consultation s’est orientée autour du patient, avec la collaboration de plusieurs intervenants : la sécurité sociale, une assistante sociale, la MDPH (Maison Départementale des Personnes Handicapées), un médecin du travail, et récemment, des représentants de Cap Emploi en Bretagne. L'objectif est de faciliter l'insertion professionnelle des personnes épileptiques en proposant des solutions adaptées à leur situation, souvent de manière rapide et pratique.
Le Dr Biraben a également abordé la nature et la complexité de l’épilepsie, une maladie souvent mal comprise et entourée de préjugés, dont l’imprévisibilité des crises en fait une pathologie particulière. L’épilepsie impacte divers aspects de la vie, tels que le sommeil, la cognition, l’humeur et la mémoire, et peut engendrer des difficultés d’adaptation à certaines activités professionnelles, selon le type et la fréquence des crises. Il existe de nombreuses formes d’épilepsie, chacune nécessitant des adaptations spécifiques pour favoriser l’insertion professionnelle. Le Dr Biraben a souligné que la réussite de cette insertion repose sur une communication efficace et une coopération entre tous les acteurs impliqués, tout en respectant le consentement du patient.
Une journée riche en enseignements sur l'épilepsie et l'insertion professionnelle
Pour l’ensemble des participants, cette rencontre a été riche en enseignements et a permis une meilleure compréhension de l’épilepsie et de ses impacts sur la vie professionnelle. Elle a mis en avant les différentes solutions possibles pour favoriser l’accès au travail aux personnes épileptiques. Séverine Baudouin est revenue, en conclusion, sur les témoignages, qui ont souligné l’importance de la résilience et de l’engagement personnel dans le parcours d’insertion professionnelle, renforcés par le soutien d’équipes spécialisées. Le message d'espoir et de coopération a également été souligné, avec la perspective de continuer à promouvoir l'inclusion à travers des projets comme le Tour de France et les futurs Trophées emploi public et handicap.
Enfin, Laurent Félix, directeur territorial au handicap du FIPHFP pour la région Bretagne, a ajouté que le conventionnement avec les centres de gestion est essentiel pour aider les plus petites collectivités à bénéficier des aides du FIPHFP, tout comme les référents handicaps mutualisés pour la fonction publique hospitalière en Bretagne, qui soutiennent les petites entités comme les EHPADs. Les partenariats, notamment avec l'AGEFIPH et l'ARS, permettent de renforcer le soutien pour l'emploi accompagné et de mieux coordonner les services offerts aux personnes en situation de handicap. L'accent a été mis sur l'importance de cette coopération régionale pour offrir des solutions adaptées, illustrée par les parcours de réinsertion réussis comme ceux d’Inès Le Moigne, d’Amandine Laurent et d’Alexandre Martin.
Retrouvez ci-dessous le replay vidéo des différentes séquences du Tour de France des handicaps invisibles à Rennes :